L’héritage numérique en Europe : quelles différences avec la France ?

À l’ère du tout-numérique, nos vies digitales laissent derrière elles une empreinte aussi précieuse que complexe à gérer après notre décès. En France, le cadre juridique de la succession numérique est encore en construction, tandis qu’en Europe, les approches varient considérablement d’un pays à l’autre. Décryptage des différences et des défis à relever.

17.06.2025 / Lecture : 3 min

Succession

L’héritage numérique en Europe :  quelles différences avec la France ?

Succession numérique en France : un cadre juridique incomplet face à la réalité des usages

En France, la succession numérique est encadrée par la loi de 2016 pour une République numérique. Ce texte permet à chacun de laisser des directives sur la gestion de ses données personnelles après son décès, qu’il s’agisse de leur effacement, de leur conservation ou de leur transmission. Mais dans les faits, cette loi reste trop générale et ne répond pas aux enjeux concrets liés à la diversité des comptes numériques et des actifs digitaux : cryptomonnaies, NFT, comptes Google, réseaux sociaux, services de messagerie, plateformes de stockage, abonnements en ligne, etc.

Le droit français ne prévoit pas aujourd’hui de procédure simple pour transmettre ces biens ou y accéder en tant qu’héritier. Côté patrimoine, les cryptomonnaies sont considérées comme des biens meubles incorporels, soumis au droit commun des successions. Mais sans la clé ou instruction laissée par le défunt, ces actifs peuvent être perdus à jamais.

Les NFT, quant à eux, posent des questions inédites du fait de leur nature hybride : à la fois objet numérique et droit d’auteur potentiel. Du côté plateformes, aucun cadre légal n’oblige aujourd’hui un service en ligne à fournir un processus clair de clôture ou de transmission post-mortem. Sauf si l'utilisateur l’a explicitement anticipé.

L’héritage numérique en Europe : une mosaïque de lois nationales

L'Europe présente une diversité de législations en matière de succession numérique. Certains pays, comme l'Allemagne et l'Espagne, facilitent l'accès aux comptes numériques des défunts. L'Estonie, quant à elle, est un exemple avancé en matière de digitalisation des services publics, y compris dans le domaine des successions.

Allemagne et Espagne : accès facilité aux comptes numériques

En Allemagne, le paragraphe 1922 du Code civil (Bürgerliches Gesetzbuch, BGB) prévoit que le patrimoine du défunt devient de plein droit la propriété des héritiers. En 2018, la Cour fédérale de justice a confirmé que cela pouvait inclure les comptes numériques, dans une affaire précise où des parents demandaient l’accès au compte Facebook de leur fille décédée. Cette décision ne crée pas de règle générale, mais reconnaît que ces données peuvent être considérées comme faisant partie intégrante de la succession, au même titre que des lettres ou des journaux intimes.

En Espagne, la loi organique 3/2018 prévoit également que les héritiers peuvent accéder aux comptes numériques, excepté si le défunt a expressément indiqué le contraire de son vivant. La loi espagnole impose toutefois que la demande d'accès soit justifiée et encadrée, notamment pour protéger la vie privée des tiers.

Ces deux pays ont posé des cadres plus explicites que la France pour encadrer l’accès au patrimoine numérique. En France, l’accès reste flou et dépend encore largement des conditions fixées par les plateformes elles-mêmes.

Estonie : un pionnier du numérique

L'Estonie est souvent citée comme étant un modèle en matière de services publics numériques. Depuis le debut des années 2000, le pays a bâti une infrastructure numérique parmi les plus avancées au monde avec 98 % des citoyens qui utilisent une carte d'identité électronique pour accéder à des services publics variés. Cette stratégie numérique s’est étendue avec le programme d’e-résidence, lancé en 2014, qui permet aux entrepreneurs du monde entier de créer une entreprise estonienne 100 % en ligne.

En matière de gestion du patrimoine numérique, l'Estonie bénéficie d’un écosystème propice à l’intégration de la succession numérique dans ses démarches administratives. Si la législation estonienne ne prévoit pas encore de loi spécifique sur les comptes numériques après le décès, l’infrastructure e-gouvernementale permet de désigner des mandataires ou héritiers numériques via des outils sécurisés, facilitant la transmission de certains accès ou droits.

Les notaires estoniens, intégrés au système digital national, peuvent ainsi traiter plus efficacement les actifs numériques identifiables, en s’appuyant sur des bases de données interconnectées. Cela constitue une base solide pour un développement futur de règles plus précises sur l’héritage numérique.

À défaut d’une loi dédiée, c’est donc l’écosystème numérique qui dans son ensemble rend la succession digitale plus fluide. Alors qu’à l’inverse de la France, les héritiers doivent encore naviguer entre démarches papier, plateformes étrangères et absence de cadre unifié.

Héritage numérique et RGPD : pourquoi l’Europe peine à harmoniser ?

Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l'Union européenne vise à harmoniser la protection des données personnelles. Pourtant, les approches varient encore en matière de succession numérique. Certains pays ont des lois spécifiques, tandis que d'autres, comme la France, sont encore en train de développer leur cadre juridique. Cette diversité crée des défis pour les successions transfrontalières, notamment en ce qui concerne l'accès aux données et aux actifs numériques du défunt.

Actifs numériques à l’étranger : que faire en cas de succession internationale ?

Aujourd’hui, de plus en plus de Français détiennent des cryptomonnaies ou des comptes en ligne hébergés à l’étranger. Cela soulève des questions complexes en matière de succession. Par exemple, si un défunt résidait en France, mais détenait des cryptomonnaies sur une plateforme basée à l’étranger, plusieurs juridictions pourraient potentiellement revendiquer un droit de regard, voire de taxation sur la transmission de ces actifs.

Chez Legitbee, nous constatons que ce type de situation soulève des interrogations réelles pour les héritiers : où sont localisés les actifs numériques ? À quel droit sont-ils soumis ? Comment éviter une double imposition ? En théorie, les conventions fiscales internationales signées par la France peuvent apporter un cadre. Mais dans les faits, ces textes étaient souvent rédigés bien avant l’apparition des cryptoactifs et restent aujourd’hui très flous sur le sujet.

C’est pour répondre à ces enjeux que Legitbee accompagne les familles dans l’identification, la transmission et la régularisation des actifs numériques, y compris ceux détenus à l’étranger.

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